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DOROTA BAERThierry Kédinger, artiste peintre, écrit sur la peinture de Dorota Miriam Simon, conservateur du patrimoine aussi Thierry Kédinger : Connaissez vous l’épouvantable, au sens le plus fort du mot, «démon emporté » de Mikhaïl Vroubel- toile symboliste du début du siècle dernier, au musée Pouchkine à Moscou- ? Si je mets cette œuvre, et pourquoi pas, en voisinage avec le travail présenté ici c’est que je suggère une parenté dans ce que vois : Dorota Baer, polonaise à Paris, femme slave et peintre de tout son être a transfiguré les mémoires douloureuses et extrêmes de sa race. Elle a converti le démon, il était emporté et elle l’a retourné comme un gant. Elle l’a métamorphosé et fait se mouvoir, tout autre, sur la toile. Dans un geste vital et magnifique. Elle nous offre alors le flux joyeux de la vie. Elle l’étale généreusement et celui-ci chante en bleu, en jaune, scorpion de pluie, rencontre astrale, arabesque ou la Résurrection.Thierry Kédinger parle de la peinture de Dorota : Connaissez vous l’épouvantable, au sens le plus fort du mot, «démon emporté » de Mikhaïl Vroubel- toile symboliste du début du siècle dernier, au musée Pouchkine à Moscou- ? Si je mets cette œuvre, et pourquoi pas, en voisinage avec le travail présenté ici c’est que je suggère une parenté dans ce que vois : Dorota Baer, polonaise à Paris, femme slave et peintre de tout son être a transfiguré les mémoires douloureuses et extrêmes de sa race. Elle a converti le démon, il était emporté et elle l’a retourné comme un gant. Elle l’a métamorphosé et fait se mouvoir, tout autre, sur la toile. Dans un geste vital et magnifique. Elle nous offre alors le flux joyeux de la vie. Elle l’étale généreusement et celui-ci chante en bleu, en jaune, scorpion de pluie, rencontre astrale, arabesque ou la Résurrection. Miriam Simon ( texte écrit à l'occasion de l'exposition de Dorota Baer à la galerie Art Novum à Varsovie en Mai 2004) : DOROTA BAER
Née en 1955 à Łodz. Vit à Paris, depuis 1980, tout en effectuant de longs séjour en Pologne.
Les oeuvres ici présentées datent des quinzes dernières années: elles matérialisent un cheminement lent, qui prend son temps- le temps de vivre-, qui n'a rien de linéaire. Pourtant, le style s'est affirmé, faisant une synthése toute personnelle d'un parcours en apparence sinueux. Les relations avec les "maîtres" ont précédé cet ensemble. Ainsi Cézanne, avec lequel Dorota Baer a pu longuement se familiariser grâce aux reproductions disponibles dans les ouvrages de la bibliothèque maternelle; le "passage" d'un plan coloré à l'autre, qui constitue l'armature de le peinture de Cézanne, crée littéralement le lien entre chaque partie de ses oeuvres, constituant une armature sensible aux antipodes de la trame géométrique à laquelle sa peinture a trop souvent été réduite. Viennent ensuite les études d'arts plastiques à Łodz , à Vienne, enfin à Paris. Fruits du hasard ? Aux Beaux-Arts de Paris, la jeune femme fréquente l'atelier de Nallard, l'un des créateurs du Salon des Réalités Nouvelles, qui l'encourage énormément. L'abstrcraction ne l'attire pourtant pas particulièrement; elle préfère la technique, l'épaisseur de l'huile, les empâtements, un médium retravaillé au point de devenir gris et pâteux, dont Dorota Baer retient une matière, souvent grumeleuse. Lui succéde Alechinsky, l'un des créateurs de Cobra, qui enseigne pour la première fois, se montrant distant. Ce changement n'a rien d'évident pour l'artiste qui, désorientée, manque quittter l'atelier pour, in jour, en manière de défi, se lancer dans l'interprétation sur le papier d'un arbre visible depuis la fenêtre de l'atelier. A compter de cette date, Alechinsky l'encouragera à son tour, l'incitant à plus de légèreté, de liberté, au moyen notamment de l'usage de papier. Alors qu'elle utilisait des brosses, il lui offre un pinceau en poils de loup, dont la souplesse permet une approche calligraphique de la peinture. Alors qu'elle juge son travail par trop décoratif, il répond: et pourquoi pas ? Ce moment représente pour elle le franchissement d'une étape, dont elle ne prendra conscience que plus tardivement. Le papier se couvre tel un jeu d'assemblage, d'enchevêtrements, tissage qui serait du coté du féminin plutôt que du masculin. Comme si des résilles textiles légères et solides couvraient et révélaient tout à la fois le coeur des oeuvres, en constituant la texture même. Palpitation du vivant. Eléments naturels, de l'animal, du végétal, de la germination, un "bourgeonnement" imaginatif. Fécondité. Quelque chose d'organique émane du mode mêmed'élaboration de cette peinture: aux antipodes d'une construction mentale préétablie, il est un cheminement qui se fonde sur des émotions, un ressenti duquel surgissent progressivement des images. Escarmouche , peint aprés une dispute, sous le coup de la clère ressentie, est le fruit d'une lutte intérieure: aprés plusieurs versions, que Dorota rejetait car elle ne les sentait pas porteuses d'une force positive, ce "miracle" de la création parvient à transformer une souffrance, une violence en une oeuvre pleine de séve! Ce petit tableau est devenue une sorte de "fétiche" dont l'artiste ne veut pas se séparer.Il y a aussi du religieux," abstrait". L'importance du bleu, couleur celeste, mystique, dont l'outremer est décliné du plus clair au plus foncé. Une sorte de panthéisme où l'oiseau, présent sous bien des espèces, relie la terre au ciel, tout comme l'arbre, où le serpent, animal chtonien, tellurique, existe comme énergie. La mystique de Dorota Baer est ancrée dans la chair, dans les éléments. L'artiste peint vite. Elle ne veut pas se laisser encombrer par la technique. L'acrylique tout comme le papier kraft sont des matériaux peu coûteux, facile à se procurer. La légèreté des moyens de mise en oeuvre qu'ils autorisent lui convient également, accompagne son refus de conceptualiser et de figer à l'avance. Elle met ainsi à distance l'angoisse du "déjà fini avant d'être peint" qu'impliquerait l'utilisation de matériaux p)lus chers -papier blanc, toile- ou d'un emploi plus technique -huile-. Les pigments sont souvent grossièrement -parce que rapidement- mélangés au liant-, laissant des grumeaux. Les pinceaux variés autorisent une richesse de la touche encore facilitée par l'usage de l'acrylique. L'urgence de peindre est ainsi préservée, de même que les jeux de transparance si important dans ce tressage. La frugalité même des moyens engendre la somptuosité du résultat. Pourtant, le marouflage sur toile une fois terminée chaque oeuvre est une opération délicate, qui requiert beaucoup de soin; une fois moillé en effet, le papier se distend, pour se rétracter ensuite au cours du séchage. Cette étape est bien le signe que l'oeuvre est achevée. L'artiste parcourt la route à l'envers, remontant jusqu'à l'origine de l'émotion qui l'a guidée dans son travail, laissant alors "parler" le tableau pour lui choisir un titre, puis le met en valeur grâce à ce procédé. L'oeuvre est alors acceptée comme une entité autonome. La modestie du parcours et des moyens, la connivence entre la sensibilité, la technique et le mode de composition des oeuvres, sont au service d'une oeuvre qui embrasse l'univers tout entier.
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